De A à Z: la caféine

* Article écrit avec la collaboration de Junior Mentor

Qu’est-ce que la caféine?

La caféine est un composé alcaloïde, faisant partie de la famille des méthylxanthines. Principalement associée au café (d’où elle tire son nom…), la caféine se retrouve naturellement dans plus de 60 espèces végétales; parmi lesquelles le café, le cacao, le thé, le guarana et la yerba maté sont les plus en vue. Toutefois, la production commerciale et industrielle de la caféine passe de plus en plus par la synthèse chimique, plutôt que par son extraction à partir de sources naturelles mentionnées plus haut.

La caféine est l’une des substances les plus couramment consommées qui soient. En effet, 80% de la population mondiale en consomme sous une forme ou une autre sur une base quotidienne; que ce soit par l’alimentation, la supplémentation, voire même par la médication. Elle est principalement consommée pour ses vertus (psycho)stimulantes afin de se donner plus d’entrain ou pour combattre la fatigue dans le cadre des activités quotidiennes. Outre son effet (psycho)stimulant, la caféine exerce de nombreux effets pharmacologiques sur l’organisme. Dans sa forme pure, la caféine est couramment commercialisée en tant que produit pharmaceutique sans prescription ou comme supplément; le plus souvent sous forme de comprimés (ex.: Wake-upsMD). De nouvelles formes ont toutefois fait leur apparition sur le marché au cours des dernières années; telles que la caféine en aérosol, en languettes, en poudre ou encore en gomme à mâcher. Il est aussi intéressant de remarquer que la caféine est souvent utilisée comme ingrédient de substitution à des ingrédients autrement plus dispendieux dans des produits nutraceutiques ou pharmaceutiques (1).

En raison de sa grande accessibilité sur le marché et des multiples effets qu’elle exerce, la caféine est très populaire en nutrition sportive. En plus de son action stimulante, l’un des effets les plus attrayants de la caféine dans le sport est sa capacité de susciter la mobilisation des lipides dans l’organisme. Plusieurs se basent sur cet effet-là pour justifier l’utilisation de la caféine comme agent  »thermogène » (« fat-burner« ), dans la mesure où la mobilisation des lipides dans l’organisme facilite leur éventuelle utilisation comme source d’énergie par ce dernier. C’est ainsi qu’elle se retrouve intégrée à une foule de produits nutraceutiques destinés au sport ou à l’entraînement (ex: barres nutritives, boissons énergisantes, suppléments pour la perte de poids, « pré-workout«  etc.).

La caféine est-elle efficace?

Historiquement parlant, la caféine est de (très) loin la substance la plus étudiée dans le domaine de la nutrition; et l’une des plus étudiées en pharmacologie. Comparativement à l’ensemble des autres composés utilisés en nutrition sportive, la documentation scientifique sur le potentiel ergogène de la caféine s’avère donc particulièrement étoffée. Cela est d’autant plus vrai que les premières études sur le potentiel ergogène de la caféine remontent à plus d’un siècle.

Plus spécifiquement, l’effet (psycho)stimulant de la caféine est démontré de manière consistente dans l’ensemble de la littérature, par une amélioration globale de la fonction cognitive. Des améliorations de la vigilance, de l’état d’éveil, de la concentration et de l’humeur sont systématiquement observées avec la consommation de caféine dans la grande majorité des études. Tout cela se traduit entre autres par une meilleure coordination ainsi qu’une plus grande vélocité chez les sujets, incluant les sportifs.

L’effet (psycho)stimulant de la caféine se manifeste sans égard au niveau d’entraînement, de l’âge ou du sexe. Comme pour toute substance stimulante, il importe de mentionner que l’effet ergogène de la caféine est plus marqué lorsque l’individu se trouve déjà dans un certain état de fatigue. Une majorité d’études effectuées chez les sujets sains ou les sujets entraînés démontre que l’administration de caféine influence positivement la performance aérobie. Cet effet positif de la caféine s’avere toutefois plus mitigé quant à la performance anaérobie lactique ainsi qu’à la performance anaérobie alactique. Les données concernant les effets de la caféine sur la fonction musculaire sont majoritairement négatives; aussi bien au niveau de la force musculaire, de la puissance musculaire ou de l’endurance musculaire.

S’il est vrai que la caféine semble favoriser la mobilisation des lipides par l’organisme, les données cliniques concernant l’effet de la caféine sur la composition corporelle sont ambivalentes. La littérature récente fait état d’un effet variant de faible à léger de la caféine sur la masse adipeuse, sur quelques semaines; mais faible à inexistant sur le long terme pour les sujets sains ainsi que les sujets entraînés.

La caféine est-elle sécuritaire?

La consommation de caféine est monnaie courante dans le contexte actuel, et est considérée comme étant généralement sécuritaire quand les quantités recommandées sont respectées. Malgré tout, des soucis persistent quant à sa sécurité, particulièrement à des doses aigües élevées ou lors d’une consommation chronique. Au niveau neuropsychologique, les effets indésirables fréquemment documentés sont l’agitation, l’anxiété, l’insomnie, l’irritabilité. Au niveau cardiaque, l’augmentation de risque d’hypertension ainsi que des palpitations cardiaques sont répertoriées; alors que les malaises gastriques et la nausée comptent parmi les effets gastro-intestinaux. Les effets indésirables mentionnés ci-haut constituent le type de problèmes qui contribuent à alimenter la controverse sur la présence ou non de caféine dans plusieurs produits populaires (ex.: boissons énergisantes).

La consommation de caféine sur une base chronique occasionne aussi un effet d’accoutumance à celle-ci. Cela signifie que l’effet de la caféine sur l’organisme s’estompe à mesure que sa consommation continue dans la durée. Cette accoutumance force alors l’individu à en consommer pour en tirer les effets normalement obtenus. L’accoutumance peut survenir aussi rapidement qu’après 3 jours de consommation de caféine. Il n’existe cependant pas de consensus scientifique quant au risque ou non de dépendance physique et/ou psychologique à la caféine.

La diurèse (augmentation de la production d’urine) est également un effet notable de la caféine. À ce sujet, la recommandation d’éviter la consommation de caféine avant l’exercice faisait consensus jusqu’à récemment; dans la mesure où la diurèse entraîne de la déshydratation. Toutefois, la littérature récente indique que l’effet diurétique de la caféine n’est pas aussi évident quand l’organisme est à l’effort que quand il est au repos.

(1) Lorsqu’un tel procédé s’effectue à l’insu du public (ex.: consommateurs, autorités), on peut alors parler d’adultération. Sans être généralisée, cette pratique n’est malheureusement pas rare; surtout dans les juridictions aux normes sanitaires moins strictes.

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Junior Mentor, titulaire d’une maîtrise en sciences pharmaceutiques, œuvre présentement en R&D ainsi qu’en réglementation dans le domaine bio-pharmaceutique. Expert en matière d’aides ergogènes, il suit de près les réalités et les tendances touchant la nutrition sportive ainsi que le dopage sportif. À ce titre, il agit également comme chargé de cours à l’Université de Montréal, en plus d’intervenir comme conférencier. Les lecteurs sont invités à suivre ses analyses et ses commentaires sur les aides ergogènes sur son blogue : www.ergogeniq.com

Articles d’intérêt

Un jeune américain est mort d’une surdose de caféine pure, site de Cyberpresse.ca, Agence France-Presse, 18 juillet 2014.

Les produits énergétiques sont-ils des potions magiques pour les athlètes?, site de Ici Radio-Canada, 29 juillet 2015.

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