Moi, une jambe courte!? (partie 1/2)

Dans le domaine de la réadaptation, on observe de plus en plus des liens étroits entre des blessures mal guéries ou mal soignées et l’apparition de nouvelles blessures. Une blessure étant un traumatisme à un muscle ou à une articulation, elle a pour effet d’affecter autant la force, le degré d’extensibilité et la mobilité de ceux-ci, de même que la posture physique d’une personne. À cet égard, nous entendons de plus en plus parler ces dernières années de posturologie, de fascias, de chaînes musculaires et de jambes courtes, également nommé “inégalité ou asymétrie des membres inférieurs”. Pour bien vous expliquer, le corps humain est un système très complexe. Alors que l’approche traditionnelle pour guérir une blessure (ex. mal de cou, de dos d’épaules, etc.) était de cerner et de traiter un problème localisé, nous avons désormais une meilleure compréhension de l’interaction que les différents systèmes nerveux, musculaires et tendineux ont entre eux. Pour ainsi dire, nous sommes graduellement passés d’une vision compartimentée d’un problème à une vision globale du corps.

D’un point de vue personnel, je me suis intéressé à la posture et à l’équilibre musculaire suite à deux blessures que j’ai eues en faisant l’exercice du “squat”. La première au genou gauche, suite à une torsion-rotation et la seconde au dos, ayant résulté en un mini-déplacement vertébral. C’est à ce moment que j’ai entendu parler, après plusieurs consultations professionnelles, de “posturologie” et de “jambes courtes”.  Comme je suis kinésiologue et que je porte une attention particulière à la prévention des blessures en m’entraînant, j’ai tenté d’investiguer et de circonscrire le problème afin de mieux connaître mon corps et ses limites, ainsi que ceux de mes clients par le fait même. Dans cette optique, comment alors reconnaître, déceler, et corriger un problème de « jambe courte »…?

Un peu de définitions

Posturologie

La posturologie est une discipline qui étudie la position du corps dans l’espace : équilibre, stabilité et orientation. À chaque instant, le corps doit lutter contre la gravité et tente de se maintenir dans une position qui se rapproche le plus possible d’une posture idéale de référence, économe en énergie et parfaitement symétrique sur le plan des contractions musculaires. Selon les posturologues, une mauvaise posture, quelle qu’en soit l’origine, entraîne un déséquilibre des chaînes musculaires et par conséquent une modification de la posture (ex. enroulement des épaules vers l’avant, bascule du bassin, etc.). Elle peut aussi causer des troubles musculosquelettiques et des douleurs. Les posturologues tentent donc de remonter la chaîne des maux à la recherche de leur cause d’origine. Il faut cependant mentionner que le terme « posturologue » n’étant pas un titre réservé, cela signifie que n’importe qui peut se dire « posturologue ».

Fascias

Les fascias musculaires sont des membranes de tissu conjonctif qui enveloppent et relient ensemble les muscles, les tissus et la majorité des structures du corps. Ils servent entres autres de structures passives de transmission des forces générées par l’activité musculaire. Les fascias sont des tissus relativement méconnus; la biologie ne s’intéresse aux fascias que depuis peu de temps. Toutefois, leur rôle dans le mécanisme des blessures et des troubles musculo-squelettiques est de plus en plus étudié. Par exemple, ils peuvent être responsables de « contractures » ou « d’adhérences », où des fibres musculaires n’arrivent plus à glisser aisément les unes sur les autres. Ce qui a ainsi une influence sur l’ensemble des fonctions musculaires.

Chaîne(s) musculaire(s)

Une chaîne musculaire est un ensemble de muscles poly-articulaires. L’activité des différentes chaînes musculaires permet de réaliser tous les mouvements du corps, et dans tous les plans de direction : flexion, extension, rotation. D’ailleurs, la chaîne musculaire postérieure est la plus importante de par son étendue et ses implications. De plus, certaines blessures ou pathologies peuvent restreindre l’exécution de certains mouvements. Puisque les muscles travaillent en synergie et tirent les uns sur les autres, on veille donc dans ces situations à limiter le travail des muscles impliqués dans les dits mouvements. Comme quoi le corps est un tout et un muscle ne travaille jamais seul!

Qu’est-ce qu’une jambe courte?

Le syndrome de la jambe courte, également nommé «asymétrie des membres inférieurs », est une condition dans laquelle les jambes sont soit de longueurs inégales (vraie jambe courte) ou paraissent de longueur inégales en raison d’un mauvais alignement (fausse jambe courte). Avoir une jambe plus courte est susceptible de comporter plusieurs incidences physiques, que nous verrons au prochain paragraphe.

Il existe ainsi deux types principaux de jambes courtes:

Structurelle ou “vraie jambe courte” : une jambe est anatomiquement plus courte que l’autre jambe au niveau osseux; le plus souvent en raison de différences dans la longueur du fémur dans la cuisse ou du tibia et du péroné dans l’avant-jambe. Ceci peut être dû à une condition de naissance, à une croissance anormale ou à une fracture d’un membre chez l’enfant par exemple.

Fonctionnelle ou “fausse jambe courte” : l’autre type d’inégalité, plus commun, est considéré comme une inégalité posturale. Les membres sont de même longueur osseuse, mais dû à des facteurs musculaires et articulaires comme des tensions ou des contractures dans la musculature du bassin ou de la jambe, il y a un raccourcissement d’un des membres. Une jambe ou une hanche est maintenue en position surélevée, d’où l’apparence de jambe courte. Les symptômes entre les deux peuvent être similaires mais les traitements sont différents. Ce dernier type de jambe courte peut être dû à une scoliose (déviation latérale de la colonne vertébrale), à un débalancement au niveau du bassin ou en conséquence de l’alignement de la hanche, du genou ou de la cheville entres autres.

Effets possibles d’une jambe courte

Les personnes ayant une jambe courte compensent généralement pour celle-ci, ce qui peut à son tour engendrer d’autres problèmes. Le constat de plus évident est un déséquilibre droit/gauche. Au niveau de la jambe courte, cela peut se traduire par une translation du poids (pencher du même côté), une augmentation de l’extension du genou, une augmentation de la flexion de la cheville et/ou une supination du pied pour essayer d’étendre et de rendre la jambe plus longue. Au niveau de la jambe la plus longue, une flexion du genou et une pronation du pied et vers l’extérieur pour la raccourcir est également probable. Une jambe courte peut aussi avoir pour effet de faire dévier latéralement la colonne vertébrale (scoliose fonctionnelle), augmentant ainsi le risque de “forcer croche” avec la colonne et le dos, et de pincer un disque intervertébral. Outre le fait de surexploiter certains muscles, les conséquences probables de telles compensations sont des pressions unilatérales anormales exercées sur le bas du dos, le bassin, les hanches, et même sur le genou et la cheville de la jambe plus courte. Ce qui peut nous rendre plus vulnérables à des douleurs lombaires et à des problèmes d’hernie discale, de nerf sciatique, d’entorse ou d’arthrose.

Ma jambe droite est-elle plus courte…? Sur la photo, on peut observer une usure prématurée de l’intérieur de ma semelle, reflétant sans doute une tendance à l’inversion de mon pied.